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02/12/2009

Yes we can

Comment gagner une guerre ingagnable? Tel semble être le dilemme insoluble que la coalition est contrainte de résoudre en Afghanistan. Depuis l’intervention armée, dominée par les Etats-Unis en octobre 2001, les alliés n’ont jamais réussi à atteindre le moindre objectif qu’ils s’étaient fixés à l’époque.

La culture et le négoce du pavot sont florissants. Les forces armées ne contrôlent réellement que les principales villes et principaux axes routiers du pays comme les soldats de l’armée rouge vingt ans auparavant. La corruption touche l’ensemble des secteurs et gangrène les plus hautes sphères du monde politique. Les forces armées sont encore trop peu nombreuses, peu motivées, et souvent corrompues et infiltrées par des éléments insurgés. Oussama Ben Laden et l’ancien leader des taliban, le mollah Omar restent toujours introuvables. La coalition dirigée par les Etats-Unis et ses partenaires de l’OTAN n’a pas réussi à s’ouvrir à d’autres puissances régionales ou à des pays musulmans.

Un seul point positif dans tout cela, du moins pour quelques uns, le coût de l’héroïne et de l’opium qui a baissé devant la forte augmentation d’une culture qui avait été proscrite en grande partie sous le régime sanguinaire et passéiste des taliban. Des proches du président Hamid Karzaï, dont son propre frère ainsi que différents ministres seraient impliqués dans ce vaste trafic, tout comme l’ancien responsable de la lutte contre ce dernier. (1)

La coalition n’a pas réussi également à former une nouvelle armée et des forces de sécurités suffisantes pour pacifier et contrôler l’ensemble du territoire afghan. Les forces restent insuffisantes en nombre et en qualité. De plus, mal payées, facilement corruptibles et dans certains cas versatiles, elles sont en partie infiltré par des membres de la rébellion terroriste menée par le mollah Omar et ses sbires. (2)

La coalition reste en grande partie dominée par les pays occidentaux, en majorité chrétiens et donc considérés par beaucoup comme des croisés en terre sacrée. Peu de pays musulmans apportent leur concours à l’œuvre de pacification et de reconstruction alors qu’hier les pétrodollars en provenance des monarchies du golfe persique permettaient aux taliban de se doter des derniers tout-terrain japonais.

Alors que les principales villes du pays connaissent un début de développement avec l’arrivé de capitaux étrangers, que l’usage du téléphone portable s’est généralisé, une grande partie du pays échappe complètement au pouvoir central et aux forces de la coalition et l’insécurité est constante. Le président afghan Hamid Karzaï est souvent dépeint en occident comme « le maire de Kaboul », une manière de souligner son impuissance. Le sud, majoritairement d’ethnie pachtoune et notamment la province d’Helmand, reste très meurtrier pour les forces de la coalition. Mais la rébellion taliban prospère bien au-delà de ses zones d’influences initiales notamment vers l’ouest et le nord du pays. (Comme tend à le montrer la bavure allemande commise au mois d’octobre près de la ville de Kunduz) (3)

Oussama Ben Laden court toujours. S’il est encore vivant, son état physique, très diminué et nécessitant des dialyses, il reste comme un poison pour la coalition, magnétisant autour de son nom des milliers de djihadistes. (4)Ces combattants sont parfois qualifiés de « combattants nationalistes ». A chacun de juger…(5)

Les multiples frappes de l’OTAN avec son cortège de victimes civiles ont discrédités l’organisation pro-américaine qu’est l’OTAN tant au niveau local qu’à l’échelle internationale. Beaucoup de nos concitoyens voient l’action engagée en Afghanistan comme une intervention néocoloniale, la seule raison de la présence américaine s’expliquant bien sûr par leur volonté d’exfiltrer le gaz et le pétrole des pays d’Asie Centrale via de nouveaux réseaux qui traverseraient l’Afghanistan pour finir dans le port de Karachi. Hamid Karzaï, l’actuel premier magistrat de ce pays n’a-t-il pas par le passé travaillé pour la compagnie américaine, devenue chinoise depuis, UNOCAL ? Argument que l’on retrouve souvent dans les prises de position contre l’intervention armée dans ce pays. Il me semble donc primordial de réaffirmer les objectifs ou de redéfinir les objectifs de notre présence là bas.

Des améliorations à mettre en avant.

L’Afghanistan a connu cette année une élection présidentielle pseudo-démocratique et entachée de multiples fraudes. Au pays de la burqa, il ne faut pas se voiler la face, l’Afghanistan ne deviendra pas un état démocratique du jour au lendemain. Cela prendra des années, sans doute des décennies. Contrairement à ce qu’arguer d’influents néoconservateurs proches des membres du gouvernement du président américain sortant, George W  Bush, la démocratie est certes universelle mais pas exportable. Chaque pays a connu son propre chemin pour parvenir à se doter de ce « moins pires » des systèmes. Mais l’Afghanistan d’aujourd’hui n’a rien à voir avec le régime passéiste, sanguinaire et barbare du mollah Omar et des taliban.

En pourcentage, grâce aux sièges qui leur sont réservés, les femmes sont mieux représentées au parlement afghan qu’au palais bourbon. C’est un pas considérable au pays de la burqua même si cela reste encore dans le domaine du symbole.

Les exécutions publiques à la kalachnikov au stade de Kaboul appartiennent au passé même si les assassinats politiques ou crapuleux continuent. Les châtiments corporels pratiqués avec sadisme par la police de la répression du vice et de la promotion de la vertu ont disparu en même temps que cette dernière.

Les petites filles afghanes ont de nouveau le droit d’aller à l’école, pour apprendre et ne sont plus cantonnées uniquement aux taches ménagères ou de futures épouses. Pas encore élevées au même rang que les hommes, elles ne sont, aux yeux de la loi, plus considérées comme du bétail. C’est un pas considérable.

La musique, la photographie, les films, les jeux…tout ce qui était considéré comme impie il y a peu est désormais de retour dans les bazars des principales villes du pays.

La communauté hazara (Musulmans chiites) victimes de persécutions et d’assassinats de masse sous le régime des talibans est désormais associée au pouvoir.

Chercher des alliances ou la quadrature du cercle.

La où la politique du « Big stick » a échoué, il est tant comme en Irak, de mener une nouvelle politique, basée cette fois-ci sur le bon vieux dollar. Cette dernière passe d’abord par une hausse de la rémunération des forces de sécurité et une chasse à la corruption généralisée à tous les échelons de décisions.

Il s’agit également de pouvoir s’appuyer sur des groupes locaux comme cela a été le cas en Irak ou la politique de dollarisation et d’alliances tribales mises en place par le général David Petraeus a fait diminuer drastiquement les violences terroristes. Ce dernier, désormais patron du CentCom, le commandement du théâtre d’opération qui englobe l’Irak et l’Afghanistan est secondé dans ce dernier pays par un homme de valeur, le général Mac Chrystal. The right men in the right places, voilà un truisme que n’avait pu réaliser l’administration américaine sortante pendant de longues années, ce qui expliquent en partie les fiascos, présents et passés, qu’elle a connu.

Une alliance avec les talibans modérés, comme le demande le président Karzaï est elle possible ? Comme le disait dans l’un de ses sketchs, l’humouriste français Marc Jolivet, un taliban modéré, c’est un taliban qui enlève la roue de secours du coffre quand il y place sa femme (Sous entendu, que le taliban tout court est plus radical dans le traitement réservé à sa femme…)

De toute façon cette alliance n’est ni souhaitable ni même réalisable. Faut il pour autant créer des milices populaires et armées sur le modèle employé autrefois en Algérie lors de la salle guerre ou en Colombie dans la lutte menée contre les rebelles des FARC ? Rien n’est moins sûr. Ce qu’il est par contre, c’est qu’il est nécessaire d’associer la population à la lutte contre les taliban. Il ne s’agit pas de s’allier avec d’anciens seigneurs de guerre au passé sanguinaire et pour cela haïs de la population, mais de mettre les afghans devant un choix terrible, celui de choisir leur propre avenir.

Quelques points à soulever.

Nous devons également conditionner nos aides, notamment militaires au Pakistan en fonction des progrès réalisé par ce pays dans la lutte contre les extrémistes régnant dans les zones tribales, trop longtemps restés des territoires de non droit ou la charia était le seul code de loi en vigueur. Le Pakistan est un état qui vit sous perfusion occidentale et qui est la clef maîtresse dans la victoire contre l’obscurantisme islamiste.

La lutte contre le trafic d’opium, source de revenus pour des taliban extrêmement versatiles et opportunistes sur le sujet ne doit pas se limiter à la destruction par la force de parcelles. Cette technique nous aliène une partie non négligeable de la population, dont l’essentiel de revenus sont tirés de la culture du pavot La aussi, l’ami dollar doit avoir toute sa place. (Une aide de 75 millions de dollars au population correspond à la valeur d’un missile américain Tomahawk)

Le contrôle des frontières ne passe uniquement par la technologie et l’emploi es drônes. Cette tache incombe en partie aux futures forces de sécurités afghanes mais également au Pakistan.

Enfin, il s’agit d’envoyer de nouvelles troupes sur le terrain conformément aux demandes des officiers en charge sur place (Généraux Patraeux, et Mac Chrystal) Cette « surge », qui a été réalisée en Irak, a permis, combinée à d’autres moyens d’action, de ramener en grande partie la sécurité dans ce pays (Les chiffres des attentats et action terroristes sont là pour en témoigner). C’est pourquoi, la France doit prendre toute sa part dans cette immense tache qui est de préserver l’Afghanistan d’un retour des taliban, synonyme de barbarie et de retour au moyen âge. Les Américains vont envoyer 30 000 hommes supplémentaires sur le terrain, la Grande Bretagne 500. L'Italie se propose également de participer à l’effort avec au moins 1000 soldats supplémentaires. (6)  La France, contrairement à sa position actuelle, doit également se montrer à la hauteur de ses ambitions.

Bruno Rey

1) Le général Salazar dans le film Trafic de Steven Soderbergh, sorti en 2001, nommé chef de l’équivalent américain de la DEA travaille en réalité pour un cartel mexicain.

(2) Le gouvernement du président Hamid Karzaï, invité par les Occidentaux à lutter contre la corruption, a annoncé le 29 novembre dernier une augmentation de près de 40% de la solde des militaires et des policiers. Le pays compte aujourd'hui 95.000 militaires et 93.000 policiers.

(3)  L'année 2009 a été l'année la plus meurtrière pour les forces de la coalition de le début de l'opération "Enduring Freedom" lancée en 2001. Pour les pertes civiles, c'est également une année particulièrement meurtrière.

(4) «Une occasion perdue pour toujours.» Selon un rapport rédigé par des sénateurs démocrates et rendu officiellement public lundi 30 novembre 2009 , les Etats-Unis auraient pu tuer ou capturer Oussama Ben Laden en décembre 2001 à Tora Bora, dans l'est de l'Afghanistan, quelques semaines seulement après les attentats du 11 septembre . Mais, toujours d'après ce rapport, l'administration Bush a choisi de ne pas pousser plus loin et permis sa fuite au Pakistan.

(5) Terme utilisé dans un article paru dans le Monde Diplomatique de décembre 2009.

(6) Plus de 110.000 soldats alliés sont actuellement stationnés en Afghanistan dont 68.000 Américains, 3.300 Français et 9550 britanniques.