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18/05/2010

About me

Ce soir, petite introspection sur le statut précaire qui est le mien et sur le long chemin de croix qui m'attends dans les années à venir.

 

Oui, je l'avoue bien volontiers, je suis un privilégié. Je vis actuellement à cheval entre deux mondes, celui qui m'accompagne depuis ma naissance à savoir ma ville natale, Romans sur Isère, ou je suis locataire d'une appartement dans le centre ancien et ma nouvelle cité d'adoption, Autrans, petit village, niché dans le nord du Massif du Vercors. Comme cadre de vie, pour mon deuxième espace, loin de la violence ordinaire de la ville, de la grisaille stalinienne des édifices urbains, il y a pire. Pouvoir laisser son vélo sans cadenas, partir de chez soi sans jamais fermer la porte à clé, discuter avec ses voisins et non les fuir, pouvoir déambuler dans la nature loin du royaume de la voiture... voilà quelques petits détails parmi d'autres que j'apprécie tant. Et puis le paysage, ses montagnes enneigées l'hiver, d'une diversité de verts au printemps, nous sommes ici loin des canons de la société moderne avec ses nuances de gris sur fond sombre.

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Je suis animateur nature depuis bientôt trois ans. Un boûlot peu reconnu, sanctionné par un niveau d'étude à bac +2 (BTS en gestion et protection de la Nature) mais communément vu comme une simple extension du BAFA par le commun des mortels. Découverte du patrimoine naturel ou historique de manière générale, de la faune, de la flore, du cycle de l'eau par exemple, initiation à l'astronomie, réalisation d'oeuvres d'art éphémères (Land Art), mes centres d'interventions sont variés et concernent des enfants d'écoles primaires venus en majorité de la région Rhône-Alpes. L'éveil environnementaliste que notre pays connait depuis quelques années et qui se traduit par les scores historiquement élevés des listes écologistes n'a que d'impact sur mon domaine, pourtant essentiel : Sensibiliser mais également donner envie de découvrir, d'être curieux et de prendre du plaisir en pleine nature...Candidement, j'attendais beaucoup du Grenelle de l'Environnement. "J'ai pêché par naïveté".

 

Depuis deux ans les enfants de Haute-Savoie, selon une directive de l'inspecteur d'Académie, doivent faire 15 heures de temps scolaire durant leur semaine de classe verte. Ceux d'Isère vont subir le même diktat, de quoi décourager bien des enseignants, venus plonger leurs enfants dans un cadre naturel mais devant faire des mathématiques durant leurs temps de classe au lieu de revenir sur les découvertes et les enseignements de la journée...Simplement débilité administrative vous dites?

 

Je ne peux accompagner un groupe en randonnées découvertes en raquettes? J'ai les emmene découvrir le manteau neigeux.... Un inspecteur d'académie se prononce contre un projet de spéléologie? Pas de problème, les enfants ne feront pas spéléo...ils iront découvrir le monde souterrain...Il suffit donc de trouver le bon jargon, suffisament large et lache...Moi même après trois ans dans le metier où je ne compte plus les centaines d'enfants, les dizaines de classes que j'ai pu accueillir et prendre en charge......j'ai du commencer à passer mon BAFA. Résultat, le fond de formation, auquel cotise ma structure, a refusé de financer un stage honéreux car jugé non professionnalisant....Mon association a du payer pour me faire effectuer un stage sur mon temps de vacances (si réduit) afin de complaire au caprice d'un inspecteur d'académie. (Mon option de formation au BST était l'animation nature, mais dépendant du ministère de l'Agriculture, je n'ai pu obtenir une équivalence de la DDJS, la direction départementale de la jeunesse et du sport dépendant de l'Education Nationale).

 

Depuis cette année, les départements de la Drôme et de l'Ardèche ne subventionnent plus les classes vertes se réalisant en dehors des centres situés dans leur département respectif. Les dépenses supplémentaires induites par la décentralisation et non compensées " à l'euro près'" par l'Etat a des conséquences fâcheuses alors que ce dernier compte des champion de l'écologie "marketing" au sein de son gouvernement. Celui de l'Isère serre la ceinture. En ces temps de crise, la culture est le premier secteur à pâtir du désengagement de l'Etat.

 

Je gagne 957 euros net par mois, pour 32 heures officielles, mon salaire étant lissé sur les 6 mois que durent mon contrat avec ma structure. (Mes congés payés me seront versés à la fin de mon contrat). A la rentrée prochaine, après un mois de travail au sein d'une autre structure, je serai sans doute engagé en CDI. Enfin en CDII, le contrat à durée indéterminé intermittent, un intitulé qui m'apparaît presque comme un oxymore.


Je suis un intermittent de l'animation nature. Depuis trois ans, j'ai déménagé, j'ai navigué du Morbihan à l'Etang de Thau en passant par la Drôme, l'Isère et les Hautes Alpes. Je vivais dans les structures qui m'employaient, le summum pour avoir un minimum d'intimité. Selon les critères de Pôle Emploi, je suis donc un être extrêmement flexible, ne remplissant pas toujours les taches qui sont les miennes, ne renâclant pas à chercher du travail pour assurer son existence et de plus très mobile. Je suis pourtant loin de pouvoir remplir mon emploi du temps avec l'ensemble de mes contrats sur l'année.

 

Et demain, je devrais cotiser jusqu'à quel âge?  Le sacro-saint départ à la retraite à 60 ans est dès maintenant vidé de sa substance, la durée de cotisation ne cessant d'augmenter. Alors cotiser pendant 41, 42, 43 ans? Rentré dans la vie activité après un parcours estudiantin laborieux, je prendrais donc ma retraite au delà de 65 ans. Je ne pourrais pas exercer mon activité jusqu'à cet âge, c'est un fait, fatigue et lassitude obligent. Je dervais donc changer d'activité, trouver les fonds pour reprendre des études par exemple, pour mes former, pour me mouvoir et être écoflexible.

 

Cette année, avec mes 957 euros, je paye deux loyers, celui de Romans où habite ma compagne qui a repris ces études pour obtenir une licence cette année pour devenir plus tard professeur des écoles et celui d'Autrans, ou je vit en collocation avec une ancienne condisciple du BTS, amie, et collègue de travail. Soit plus de 650 euros, sans compter les charges inhérentes aux logements. A cela s'ajoute le remboursement du prêt que ma compagne a souscrit pour reprendre ses études (Je parle ici de ses premières) et le coût de la licence de cette année. Ma compagne travaillant 20 heures par semaine à 25 minutes de Romans, il s'agit de rajouter à la liste un plein d'essence par semaine. Et puis, nous avons un besoin élémentaire à remplir, manger tout simplement. (Le Bio, c'est bien, mais reste cher, donc nous continuons d'ingurgiter une quantité phénoménale de merdes dénommées produits chimiques, colorants, acidifiants, agents de saveur, conservateur...)

 

Bilan, chaque mois nos maigres économies accumulées les années précédentes fondent comme neige au soleil. La hausse vertigineuse du prix du gaz nous a  donné un sérieux coup de chaud (+ 9,5% cette année) Salaud de pauvres!! L'imbécile que je suis ne peux s'empêcher de penser à certaines rémunérations des dirigeants des anciennes entreprises publiques en voix de privatisation quand il s'acquitte par virement bancaire de ses douloureuses.

 

Pourtant, je ne plains pas. Je reprendrais mes études quand l'état de mes finances le permettront. L'achat d'une paire de chaussure pour protéger mes pieds d'une humidité persistant, trous obligent, attendra, tout comme celui d'un pantalon n'en disposant plus d'un seul qui ne soit élimé jusquà la moelle. Mais ne tombons pas dans le misérabilisme. Je suis en bonne santé. Certes, je dois désormais m'acquitter maintenant de 23 euros quand je me rends chez mon médecin traitant (Imbécile que je suis, je tombe toujours malade sur mon lieu de travail, donc loin de ce dernier, la faute à pas de chance...) mais le gouvernement doit bien prendre en compte la santé électorale d'une catégorie socio-professionnelle classée à droite, non? Et puis ma mutuelle me rembourse bien mes frais? Non, bon, alors le Caisse d'Assurance Maladie? Non,  celui qui a de maigres ressources n'a pas intérêt à être myope et tête en l'air, sinon cela lui coûtera plus de 70 euros par verre pour un remboursement de quelques euros sans compter la monture. (Trois mois plus tard, j'attends toujours une modeste aide pour atténuer les 372 euros ainsi déboursés). En fait, le précaire a intérêt, pour lui et ses proches, à avoir une santé de fer.

 

Pourtant, je ne me plains pas. Je reste un privilégié. Je ne vis ni sous la houlette d'un patron tortionnaire, ni dans une ambiance de travail délétère. Mon travail n'est pas abrutissant, il est au contraire gratifiant. De plus il n'est pas concerné pas l'ensemble des termes suivant : rendement, rentabilité, cadence, 3X8, économie d'échelle, externalisation (Ce mot n'est même pas pris en compte par le correcteur d'orthographe) , stress... Je vis dans un cadre paisible, loin des pollutions, plongé toute la semaine au coeur de la nature avec des explorateurs en herbe.

 

Les 150 euros accordés aux familles les plus modestes (Je ne pense pas en faire partie) auraient pu reverdir mes comptes si rougeauds. Mais priorité au bouclier fiscal et aux différentes niches afférentes ou le quidam se perd si rapidement au contraire du si minoritaire bénéficiaire. Et dire que je ne connais pas un seul bénéficiaire du bouclier fiscal, il faut vraiement que je songe à élargir mon carnet d'adresse...Après tout l'expression " y'a que les cons qui changent pas d'avis" correspond parfaitement pour décrire notre gouvernement arquebouté sur la défense d'un bouclier fiscal injuste et inique.

 

Tiens le prix du timbre vient d'augmenter? Les impôts ne seront pas augmenté martèlent les différentes portes drapeaux de la majorité. Restent donc les taxes. La baisse de la TVA, cadeau octroyé aux restaurateurs pour faire le plein des voix dans la profession pour 1,5 milliards? De toute façon, le restaurant est un lieu comme le cinéma, le musée, le théatre, la salle de concert...ou je ne me rend guère. Reste le café, le petit noir et un bon journal.

 

Je ne me plains pas. Mais je ne peux rester indifférent quand au sort réservé à des millions de mes semblables qui vivent, disons le crûment, dans la merde. Comme disait Coluche, il faudrait la remuer un peu pour que les effluves arrivent jusqu'aux nez de nos dirigeants actuels.

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Enju !!!!

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