Boulevard du palais
Plus que jamais l'opposition incarnée par le parti socialiste et par sa première secrétaire, Martine Aubry, semble archi-favorite pour l'élection présidentielle du printemps 2012.
Avec un président au plus bas dans les sondages, un gouvernement en pleine période de pré-remaniement et qui cumule les casseroles et un parti présidentiel déchiré par une guerre d'égos, ce n'est même plus un boulevard mais une véritable autoroute qui est tracée pour le candidat de l'opposition afin de l'emmener tout droit au 55 faubourg Saint Honoré un soir de juin 2012.
Nicolas Sarkozy a complètement raté son quiquénat comme son prédécesseur, Jacques Chirac, dont le seul mérite fut de s'opposer aux desseins de Bush et Cie au Moyen Orient. (1) Elu, comme tout bon candidat, sur une liste de promesses (Qui n'engagent que ceux qui y croient selon la fameuse expression de Charles Pasqua), le chantre de la rupture, a rapidement déçu un électorat qui avait été séduit par ces thêmes de campagne. Du travailler plus pour gagner plus dans une société rongée par le chômage de masse à la hausse du pouvoir d'achat, réservée uniquement à quelques catégories socio-professionnelles indispensables au parti majoritaire (Les agriculteurs, les restaurateurs et les bénéficaires du bouclier fiscal), Nicolas Sarkozy, malgré ses voeux ocuméniques du ensemble tout est possible et sa politique d'ouverture à des personnalités issues de la gauche, a largement déçu, au delà de son propre camp politique, une majorité de nos concitoyens qui lui avait octroyé leur bulletin de vote.
Promesses non tenues donc, mais également, échec de la politique sécuritaire ou le language martial et l'inflation législative ne suffisent pas pour constituer une véritable politique dans une société ou le "vivre ensemble" est de plus en plus un voeux pieux.(2)
La fonction présidentielle issu d'un système politique crée par et pour l'homme du 18 juin et ses affilés rend bien sûr schizophrène, le chef de l'état étant à la fois chef de parti mais également le président de tout les français. Le sentiment parfois de véritable dyarchie entre un président "omnipotent, omniprésent et omniscient" et un premier ministre, François Fillon toujours porté par des sondages plus ou moins flatteurs en comparaison de ceux enregistrés par Nicolas Sarkozy depuis plus d'un an, n'arrange rien à la situation. Mariage express avec un mannequin après un mariage tumultueux et ultra médiatisé avec "C", usage de la famille à des fins politiques, utilisation intempestive du portable même en présence du roi d'Arabie Saoudite, propos grivois au salon de l'Agriculture avec le désormais cultissime "casse toi pauvre con", visite dans une usine avec des employés triés sur le volet...e fonction de leur taille...voilà quelques exemples qui ne permettent pas vraiment à l'intéressé de se hisser à la stature de Président de la République.(3)
Nicolas Sarkozy voulait décomplexer les français avec l'argent, les réconcilier avec le grand capital mais la soirée du Fouquet's avec les membres du premier cercle, le mini séjour sur un yacht prété par l'industriel Vincent Bolloré au large de Malte, la panoplie "bling bling" déployée lors des premiers mois de la présidence, les a surtout frustrés dans une société ou l'injustice sociale et les inégalités de revenus ne cesse de croître. L'adoption du bouclier fiscal n'a fait que conforter une majorité de français dans leur sentiment que Nicolas Sarkozy était le président des plus riches même si une partie de la loi TEPA profitait également aux classes moyennes.
Puis est venue le temps des "affaires" qui ont fini de plomber la première moitié du quiquennat. L'ouverture politique à des personnalités issues de l'opposition ou de la société civile a entraînée l'affaire Frédérique Mitterrand qui a soulevé des vagues d'indignation principalement dans le camp présidentiel, parti, militants et sympathisants sans apporter une once de plus value à la côte du gouvernement et du président de la République. Immédiatement une autre affaire a chassé l'ancienne, celle de l'élection de Jean Sarkozy à la tête de l'EPAD, le quartier d'affaires de la Défense. Bien que s'étant désisté devant a grogne succité dans le pays, Jean Sarkozy a cristalisé en quelques semaines la rancoeur, la frustration de millions de personnes et notamment chez les jeunes diplomés. Rappelons que le fils du président, venait de tripler sa seconde année de droit alors que notre pays compte des dizaines de milliers de jeunes diplomés, de la licence au doctorat en passant par le master, qui n'arrivent pas intégrer le monde du travail. Cette affaire a donné l'impression que la monarchie républicaine que constitue notre système politique faisait un pas de plus vers la royauté avec un prince, entouré des courtisans du roi, les Balkany et consorts .Puis l'affaire Henri Proglio, l'homme qui voulait cumuler les fonctions et les revenus à la tête d'EDF et de Véolia a fini de discréditer notre président en cette fin d'année 2009.
Et que dire du chantre de la République "irréprochable" avec l'affaire des sondages de l'Elysée, l'obole versée à l'ancien président de la République par l'UMP, les cas Blanc et Joyandet. Sans oublier l'affaire Woerth ou la majorité fait chorus pour défendre un ministre carbonisé sur lequel plane de sérieuses suspiçions.
Et que dire du défenseur passionné des droits de l'homme recevant hier le très libéral colonel Kadhafi, s'amourachant du buteur de tchétchènes "jusque dans les chiottes", Vladimir Poutine, et devenu désormais, grâce au zèle de son ministre Eric Besson le premier exportateur européen de roms. (Dommage que cela ne figure pas dans les cahiers du commerce extérieur, pour une fois que notre pays est premier...)
Au plus bas dans les sondages avec des ministres discrédités, le président en revient donc à ses "fondamentaux", qui lui avaient si bien réussis dans le passé avec ses grosses ficelles. Mais ces dernières, usées jusqu'à la corde suscitent des réserves au sein même du camp présidentiel. Les Juppé, Raffarin ou autre Dominique de Villepin traduisent bien une mésalliance grandissante entre un exécutif en roue libre dans la surrenchère sécuritaire et une majorité de français qui s'inquiètent d'une politique qui bafoue les fondations même de notre régime. Aujourd'hui, la France ne vient elle pas d'être condamné par le parlement européen pour sa politique d'expulsion massive perpetrée contre les roms?
Le gouvernement français va être remanié dans les semaines qui viennent? Fillon sera t-il remplacé? Et si oui par quelle personnalité du sérail UMP? Depuis plusieurs jours l'hypothèe Borloo est envisagée, une manière de mettre une individualité issue du centre au coeur des responsabilités avec un président qui craint par dessus tout une candidature centriste en 2012. Hervé Morin, l'inconnu de la Défense crève d'envie d'exister médiatiquement et rève de présenter la famille centriste nouvelle mouture, sans François Bayrou bien sûr, à la prochaine élection présidentielle. Il laissera sans doute sa place. Tout comme Bernard Kouchner, hier connu pour son combat pour les "boat people", aujourd'hui condamné pour son silence assourdissant concernant les "plane people".
Alors oui, le parti socialiste, premier parti d'opposition en France a une grande chance de revenir au premier plan dans deux ans. Il faudra pour cela ne pas tomber dans l'angélisme au niveau sécuritaire, l'un des rares espaces de la vie politique française ou Nicolas Sarkozy garde une avance sur ses adversaires selon les enquêtes d'opinion. L'insécurité tout comme l'insécurité sociale seront donc deux grands chantiers de l'ère post Sarkozy.
(1) Jean Claude Gaudin a usé de ce prétexte pour justifier la contribution de l'UMP dans le remboursement des emplois fictifs de l'ère Chirac à la mairie de Paris. Il faut dire qu'à l'époque une grande majorité de français étaient contre l'intervention programmée des Etats-Unis en Irak.
(2) Hier les amendements déposés par l'UMP au Sénat et consécutifs au discours du 30 juillet dernier à Grenoble ont été rétoqués.
(3) Sans oublier les photos retouchées pour faire disparaître les bourrelets présidentiels lors des vacances de haut standing aux Etats-Unis en 2007, la photo ou l'ancien président Bush (1,85 m) est à la même hauteur que Nicolas Sarkozy...
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