"Ici commence le pays de la Liberté" C'est en promenant une nouvelle fois dans le Vercors, libre de mes mouvements, que m'est venu l'idée d'écrire quelques mots sur l'histoire de ce massif...Ci dessus, une vue de Vassieux en Vercors depuis le col de Chironne (Sud est du village)
Il y a 65 ans aujourd'hui, le 3 juillet 1944, Eugène Chavant, le chef civil du Vercors, proclamait la République sur ce "plateau", qui abritait alors près de 4000 maquisards. Quelques jours plus tard, le 21 juillet, les troupes allemands, après avoir vérouillés les accès du Vercors, lançaient une offensive générale contre le maquis.
Avant de revenir sur le déroulement des combats, il faut noter que l'une des rares divisions allemandes en France, la 157ème division de réserve, à ne pas être déployée sur l'une côte française en vu du prochain débarquement allié, était stationnée à Grenoble, aux pieds du Vercors même. La plupart des unités était positionné, selon les vues du feldmarechal Erwin Rommel, commandant en chef du groupe d'armée B en France, près des côtes afin de rejeter l'ennemi anglo-américain dès qu'il aurait posé le pied sur le rivage de France.
Mais revenons au Vercors. Dès 1941, un architecte, Pierre Dalloz entrevoit les possibilités données par le Vercors dans la cadre de la libération nationale. Il faut pas oublier qu'en cette année, les blindés allemands foncent sur Moscou après avoir réduit à peu les armées de Yougoslavie et de Grèce enquelques jours. Il fallait donc être d'une rare optimisme pour concevoir une libération qui n'interviendra que trois longues années plus tard. C'est donc Pierre Dalloz qui va mettre au point les différents aspects du plan Montagnard. En résumé, dans la cadre d'un débarquement allié en France pour libérer l'Europe du jour nazi, le Vercors pourrait accueillir des troupes alliés et servir de porte avions, de citadelle, bref d'appui aux unités débarquées sur le sol national. Ce porte avions pourrait ainsi mener des offensives dans la dos de l'ennemi ou lui couper des routes de remplis vers le Nord, notamment dans la vallée du Rhône.
Ce projet présenté à "Max", Jean Moulin, reçu l'aval du général Delestraint, chef de l'Armée secrête en France. Tous deux, seront arrêtés à quelques jours d'intervalle en juin 1943. Le premier succombera lors de son transfert en Allemagne, tandis que le second, envoyé dans un camp de concentration en Allemagne, sera abattu quelques jours avant la fin de la guerre.
Faisons un saut dans l'histoire et arrivons au jour funeste du 21 juillet 1944.
A l'est du Vercors, les différents pas, protégés par une centaine de maquisards et jugés comme trop difficile d'accès en cas d'agression (Le syndrôme des Ardennes se répétait il ici..L'ennemi n'attaque t-il pas où on ne l'attend pas?) étaient pris les uns après les autres par des compagnies de Gebirjägers (Équivalent allemand de nos chasseurs alpins). Au Sud, les allemands parvenaient à Die et au col du Rousset malgrés des combats menés notamment au col de Grimone. Les allemands venaient de deux directions (Crest et Lus la Croix Haute). Des combats sanglants furent livrés sur la route menant de Crest à Die. Les maquisards durent affrontés le Kampfgruppe Zabel, c'est à dire des forces blindées.
Monument situé sur la route de Crest à Die rendant hommage aux maquisards morts lors de combats pour empêcher le vérouillage du Vercors.
Au Nord, les troupes allemandes, partant de leur "tête de pont" dans le forteresse Vercors qu'était Saint Nizier, poussaient facilement vers le Sud en direction de Vassieux en Vercors ou une première vague de soldats allemands amenés par planeurs, au nombre de vingt (DFS 230 : 8 soldats + le pilote) menait des combats meurtriers contre les maquisards. Le village de Saint Nizier avait en effet le théâtre de sanglants accrochages du 13 au 15 juin 1944. Depuis cette zone, l'accès le plus facile au coeur de la forteresse Vercors, était devenue un no man's land. Vassieux devint le symbole même de la barbarie nazie. De nombreux civils furent assassinés, des maisons, des fermes, des granges furent pillées et incendiées. Le village martyr compte parmi les rares villes et villages à avoir reçu, avec Nantes et Grenoble notamment, le titre de Compagnon de la Libération. Le 22 juillet, en raison des conditions météorologiques, les assaillants allemands durent défendre ce qui restait du village sans soutien ni appui aérien mais les maquisards ne purent les déloger. Le 23, ils reçurent du renfort, d'autres planeurs se posant près de Vassieux en compagnie de deux Gotha (Gros planeurs de transports) et de Junker 52 pour évacuer les blessés. Ses troupes allemandes comptaient dans leurs rangs les fameux "mongols", anciens soldats de l'armée rouge issus de camps de prisonniers et qui avaient choisi d'endosser l'uniforme allemand pour échapper à une mort certaine. Ces fameuses "Osttruppen" commirent de nombreux massacres.
Très vite, Lans en Vercors, Villard de Lans, Corrençon, Autrans et Méaudre furent occupés par l'ennemi.
A Méaudre, dix maquisards ont été tués lors de la progression des troupes allemandes. La croix ci dessus, située à Méaudre, indique l'emplacement où deux maquisards ont trouvé la mort. L'identité de l'un d'entre eux reste toujours inconnue. Quelle était l'origine de "ce mort pour la France"? Un maquisard français ayant brûlé ces papiers pour ne pas compromettre ces proches en cas d'arrestation? Un déserteur polonais (L'armée allemande comptait dans ces rangs en cette année 1944 de nombreux polonais issus de territoire rattaché au grand Reich)? ...
Pour continuer leur progression vers le sud en direction de Vassieux en Vercors afin de faire leur jonction avec les troupes aéroportées, les allemands durent prendre la petite route passant par Valchevrière et la forêt d'Herbouilly (Les maquisards avaient en effet fait sauter le pont de la Goule Noire, accès principal pour atteindre le sud du Vercors). C'est à Valchevrière que se distingua notamment le lieutenant Chabal, des chasseurs alpins du 6ème BCA reconstitué (Bataillon des chasseurs alpins) qui trouva une mort héroïque au combat face à plusieurs dizaines de soldats allemands. Ce fut Sidi Brahim pour ces braves. Un certain capitaine Goderville assurait le commandement de ce secteur. Il s'agissait en fait de l'écrivain Jean Prévost qui sera abattu le 1er août 1944 près de Sassenage alors qu'il quittait le Vercors en compagnie de camarades.
Les allemands brûlèrent le hameau de Valchevrière. Seule l'Eglise (Chance ou volonté délibérée de l'agresseur) ne fut pas détruite. Aujourd'hui encore, les vestiges comme ceux à un degré infiniment supérieur d'Ordaour sur Glane, témoignent de la barbarie nazie.
Le Nord Vercors occupé, la route vers Vassieux ouverte, les pas contrôlés, Die et le col du Rousset atteint, ne restaient plus qu'aux maquisards qu'à rompre le combat et à se disperser. Cet ordre fut donné par "Hervieux", le lieutenant colonel Huet, commandant militaire du Vercors le 23 juillet dans la soirée. Mais privés de matériels de communications, séparés les uns des autres, de nombreux groupes continuèrent un combat désespéré contre la horde barbare.
A partir du 24 juillet, les allemands entreprirent de quadriller le terrain et de mener des opérations de ratissage afin de capturer ou de tuer les "hors la loi" encore dans la nature qui cherchaient à quitter le Vercors, Le Vercors qui était passé sur le plan militaire en quelques jours du statut de forteresse (Festung) à celui de chaudron (Kessel). Le 25 juillet, 16 jeunes habitants de la Chapelle en Vercors, village déjà touché par des bombardements à la mis juillet, furent fusillés dans la cour d'une ferme du village. Un lieu de mémoire a été construit à cet effet.
Le 27 juillet, les allemands découvrirent l'hôpital de campagne des résistants installé dans le grotte de la Luire entre Saint Agnan en Vercors et le col du Rousset. On ne sait toujours pas vraiment dans quel circonstance ce dernier fut découvert, la grotte n'étant pas visible de la route et sa présence connue que de quelques familiers de la région. Est ce que le drap avec la croix rouge installé à l'entrée de la grotte a pu être observé par un avion de reconnaissance allemand (Un Fieseler Storch ou "Cigogne") ou est ce que quelqu'un a trahi? J'ai lu qu'un jeune garçon du coin aurait pu trahir en échange de victuailles données par les bourreaux. Malgré la présence de quatre soldats polonais portant l'uniforme de la Wehrmacht, blessés et soignés par l'équipe médicale de la grotte de la Luire, les maquisards blessés furent achevés en deux points différents par leurs bourreaux. Immédiatement à la sortie de la grotte pour les intransportables. Sur la route menant au col de Rousset pour les autres. Les infirmières furent déportées en Allemagne dans l'un de ses sinistres camps et l'une d'entre elles Odette Malossanne n'en revint point. D'autres furent fusillés quelques jours avant la libération de Grenoble au Polygone de la ville. C'est au même endroit que des miliciens seront fusillés à la Libération de la capitale du Dauphiné.
Le bilan des quelques jours de combat fut donc très lourd. Près de 900 français furent tués en cette fin de juillet 1944 dont plus de 600 maquisards. Si l'on considère ce dernier chiffre, on obtient par une soustraction macabre le nombre de civils assassinés en quelques jours de combats, plus de 250.
Dès le départ, l'utilité du Vercors dans la libération nationale qui s'annonçait n'a jamais été pensé de la même façon entre Saint Martin en Vercors (QG des maquisards), Londres ou Alger. Pour les chefs des maquisards (Huet pour l'aile militaire, Chavant pour l'aile civile), le Vercors devait devenir un véritable "porte avion" de la France libre dans un pays encore occupé par les armées allemandes. Tel était en effet le but affiché du Plan Montagnard. Ce porte avion, cet ilot de liberté dans une France encore oppressée devait servir de base pour accueillir plusieurs bataillons de parachutistes alliés. Delà, de multiples opérations auraient pu être menées sur les arrières de l'ennemi, opérations combinées avec un débarquement dans le sud de la France. Ces opérations auraient pu viser la vallée du Rhône, Grenoble...
A Londres, les préoccupations des chefs alliés concernaient toutes le projet Overlord, le projet titanesque de débarquement en Normandie. Le Plan Montagnard fut examiné mais resta non un tiroir mais sous une pîle de dossiers selon les observations de Pierre Dalloz, l'instigateur du projet.
Il y eu donc un grand malentendu entre les attentes des maquisards et les celles de Londres. Pourtant l'illusion fut savament entretenu pendant de longues semaines. Des centaines de containers d'armes, de médicaments furent parachutés sur le Vercors. Une table médicale pour un futur hôpital de campagne fut même parachutée. Le 6 juin 1944, un message, "Le bouquetin des Alpes bondit" annonçait la mobilisation générale en vu du futur débarquement allié sur les côtes de France. Mais où? Sur la côte Méditarrannéenne? Dans ce cas, l'appui du Vercors serait d'une importance stratégique pour les alliés. Mais le 6 juin 1944, l'armada alliée débarqua à plus de 1000 kilomètres de là sur les côtes normandes. Et les alliés qui avaient prévu de libérer la ville de Caen le jour J durent attendre de longues semaines avant de pouvoir forcer la décision, notamment grâce à Patton et ses blindés. Ce n'est qu' à la mi juillet que les alliées prirent le dessus après de longs combats dans la bocage normand.
Pendant ce temps, le Vercors avait déjà vérouillé ses points d'accès, proclamé la République et planté un immense drapeau français sur la commune de Saint Nizier, visible de Grenoble. Autant de provocations vis à vis des Allemands qui ne pouvaient rester sans réponse. Le Vercors pouvait constitué un poignard, plantable dans le dos à tout moment en cas de débarquement dans le sud de la France.
Les "erreurs" commises sont donc multiples compte tenu du déroulement des opérations :
- Un manque de communication criant entre le Vercors d'une part et Londres et Alger de l'autre. Sans jeu de mots, il n'était pas vraiment sur la même longueur d'ondes. Les maquisards s'attendaient à une opération parachutée imminente. A dessein, une piste d'atterrissage capâble d'acceuillir des avions de transports du type Dakota C-47 fut construite. Une mission, la mission Pacquebot du capitaine Tournissa, fut envoyée spécialement pour cette opération. Le 21 juillet, voyant des planeurs en phase d'approche de Vassieux, nombreux furent les maquisards qui les prirent pour les alliées. Mais la croix noire et non l'étoile blanche, ornée les appareils et de nombreux maquisards furent fauchés par les balles en ne s'étant pas mis à l'abris dès leur apparition.
- Un manque de moyens de communications sur le plateau même du Vercors entre les différents groupes de combats. Pour communiquer, transmettre les ordres, être au courant des opérations, il fallait de nombreuses estafettes. Le réseau des PTT fut rapidement mis hors service.
- Une tactique prônant des combats classiques au détriment de la guérilla. Le lieutenant Costa de Beauregard, dont on parle trop peu, mena de nombreuses actions de guérilla avec succès contre l'occupant basées sur le concept : Frapper par surprise et se disperser dans la nature. Costa de Beauregard était en charge de la zone militaire nord du Vercors. Mais cette conception du combat assymétrique ne fut pas suivi. Au contraire, le combat classique, et désespéré contre des unités supérieurs en hommes, en armes et en expérience, fut la tactique employée.
- Un commandement militaire issu de l'armée et donc formé "à la veille école". Le comportement du capitaine Geyer "La Thivollet" se promenant en grand uniforme sur son cheval est un exemple comme celui de l'état major avec ses effectifs plétoriques.
- Un manque de cadres pour entraîner de nombreuses recrues (près de 4000). Mis à part l'opération Eucalyptus (Mission américaine chargée de montrer le maniement de nouvelles armes aux maquisards), peu fut fait pour pallier au manque d'expérience des jeunes recrues qui contrairement à leurs ainés ou à leurs adversaires n'avaient jamais endossé l'uniforme.
- L'absence d'un deuxième bureau pouvant décéler d'éventuels espions (Et compte tenu des informations aux mains des allemands...). Lors de l'attaque allemande, les prisonniers du maquis, notamment la milicienne Mireille Provence furent relâchés. Avec son amant SS, elle participa à l'arrestation de nombreux maquisards à Saint Nazaire. C'est à Saint Nazaire, que plus de 30 maquisards furent fusillés le 1er août 1944.
- L'absence de mortiers et de mitrailleuses lourdes, les premiers étant primordiaux pour des combats sur des reliefs escarpés. Malgré les nombreuses demandes des chefs militaires du maquis, le Vercors restait bien pauvre en armement à la veille des combats. Trop peu d'armes pour l'ensemble des volontaires. Pas de mortiers, pas de mitrailleuses américaines, ni de lances grenades.
- L'absence d'appui aérien. Les nombreux raids menés par la Luftwaffe, l'armée de l'air allemande furent conduits à partir du terrain d'aviation de Chabeuil. Les premiers planeurs, eux, étaient partis de Lyon. Un bombardement en règle, mené soit par l'USAF soit par la RAF, aurait pu atténuer les souffrances de villages martyrs comme la Chapelle ou Vassieux.
Le plateau d'Ambel accueilli dès 1943 le premier camp des réfractaires. Il s'agissait à l'époque pour de nombreux jeunes gens de partir en Allemagne pour le Service du Travil Obligatoire (STO)
Aujourd'hui le plateau Autrans Méaudre est un lieu de loisir pour les adeptes du ski de fond, des cheins de traineaux ou des raquettes. Hier, cet espace acceuillait le terrain "Rayon" utilisé pour le parachutage d'armes.
Une rue du village de Lus la Croix Haute. De nombreuses rues, monuments, stèles témoignent aujourd'hui de la sauvagerie allemande.
Mais il ne faut pas oublier toux ceux qui ont secondé les nazis lors des répressions et massacres. Dagostini, le chef de la milice par exemple qui mena une expédition punitive à Vassieux en Vercors au mois de mars 1944.